Ce chapitre se situe dans le cadre de l’étude de l’action conjointe du professeur et des élèves, au service d’un projet comparatiste en didactique émergeant depuis les diverses spécialités disciplinaires (Mercier, Schubauer-Leoni & Sensevy, 2002). Afin de rendre compte des possibles généricités dans les pratiques d’enseignement et d’apprentissage, telles que façonnées par les institutions éducatives, c’est une logique de reconstruction ascendante depuis les pratiques spécifiques des acteurs, vers les déterminants institutionnels de cette action, qui est privilégiée. En adoptant cette démarche, l’auteur montre que les documents, qui sont à la disposition des sujets d’une institution donnée afin de réaliser un projet d’enseignement, préfigurent les formes de l’agir qui peuvent être saisies dans les transactions didactiques effectives, sans pour autant les déterminer complètement (Ligozat, 2008). Afin de pouvoir décrire et comprendre ces mécanismes, il est nécessaire de prendre en compte le projet d’enseignement comme un lieu de repersonnalisation des textes par le professeur, selon le principe cumulatif et historique de la sédimentation des pratiques institutionnelles dans l’expérience des personnes.
L’auteur met en évidence différents ordres de pré-construits de l’agir didactique au moyen d’une comparaison qui est cette fois élargie à deux contextes scolaires contrastés du point de vue du statut des supports textuels pour l’enseignement : la France et la Suisse Romande. Ainsi, elle montre que le caractère injonctif descendant des textes officiels français, associé à des pratiques de formation relativement normatives, contribue à construire une certaine vision de l’objet de savoir, qui se fait ressource pour les enseignants en amont des choix qu’ils sont amenés à faire dans les manuels. Dans le contexte suisse romand, qui regroupe plusieurs systèmes éducatifs propres aux différents cantons francophones, il en va autrement avec la proposition d’une méthodologie d’enseignement officielle pour les mathématiques (répertoire de fiches dont l’utilisation est fortement préconisée), qui vise un contrôle du projet d’enseignement par ce qui doit se faire dans la classe directement.