Les « Annales de Gergonne » : apport scientifique et épistémologique dans l’histoire des mathématiques.
Auteur : Gérini Christian
Résumé
Les « Annales de mathématiques pures et appliquées » sont le premier grand journal de mathématiques. Publiées de 1810 à 1832 par le mathématicien français Joseph-Diez Gergonne (1771-1859), d’où leur nom d’ »Annales de Gergonne », elles ont impliqué pas moins de 140 auteurs, du simple professeur de collège au plus illustre académicien ou professeur de l’école polytechnique. La première partie est d’abord consacrée au « facteur humain » sous forme d’une biographie de Gergonne située dans le contexte sociologique, scientifique et institutionnel de l’époque. On y présente ensuite les auteurs des publications. Les grands noms sont signalés mais on trouve aussi des précisions sur des auteurs moins connus dont les parcours sont indiqués en témoignages significatifs sur la formation et la vie des scientifiques de cette période. La deuxième partie est dédiée à l’évolution des idées dans les publications du journal de Gergonne. L’auteur ne se contente pas de montrer comment une notion mathématique apparaît dans les articles du journal de Gergonne mais il la situe aussi dans son histoire en indiquant les problèmes conceptuels qu’elle a pu poser. Une troisième partie contient de nombreux documents utiles contenant une bibliographie générale, la liste des articles de Gergonne dans la revue comme celle de tous les articles, la liste des correspondants ainsi que différents textes et lettres originaux.
Le domaine couvert est très vaste, des mathématique « pures » (analyse, analyse transcendante, arithmétique, géométrie de la règle et du compas, géométrie analytique, etc.) aux mathématiques « appliquées (mécanique, optique, gnomonique, etc.), en passant par une importante rubrique de « philosophie mathématique ».
L’étude d’un tel journal de Mathématiques permet d’appréhender les hésitations, les incertitudes, les maladresses et résistances ainsi que les percées significatives qui sont le lot commun du développement des connaissances. Le journal de Gergonne est révélateur des différents aspects de l’histoire des Mathématiques.
En ce qui concerne la Géométrie, l’antagonisme entre les tenants de la géométrie dite « pure », c’est à dire sans l’intervention de calculs, et ceux de la géométrie « Analytique » utilisant des résultats sur les équations, est mis en évidence et analysé. Un autre exemple est celui des nombres négatifs et des nombres imaginaires. Implicitement, l’auteur montre comment le choix de ces dénominations est révélateur. Le mot « négatif » pour des nombres pouvait poser problème car la notion de nombre ne concernait originellement que la mesure de collections finies d’objets. Le mémoire montre les questionnements philosophiques sur ce sujet et l’on est surpris de la persistance de ce problème à l’époque de la parution du journal. L’étude faite sur cette question laisse apparaître à l’horizon la définition de l’anneau des entiers relatifs comme extension du monoïde des entiers naturels et par là même la notion moderne plus générale de l’extension d’une structure algébrique au moyen d’un morphisme injectif.
Le mot « imaginaire » est l’objet d’un lot d’articles encore plus grand. Comment peut on utiliser en Mathématiques, reine des sciences exactes s’il en fût, des objets qui n’existent pas, du moins au sens du « réalisme philosophique » hérité des anciens ? Là encore, il manquait bien sûr aux mathématiciens de l’époque la notion d’extension de corps qui permet de parler de nombres complexes au lieu d’imaginaires et de leur donner une réalité. L’étude des articles traitant de ce sujet (essentiellement d’Argand, Français, Gergonne et Servois) permet devoir les contradictions dans lesquels se débattent les différents auteurs qui sont néanmoins en marche vers les conceptions modernes. L’étude des nombres négatifs et imaginaires montre bien le rôle du vocabulaire. Comment comprendre ce que sont des objets irrationnels, imaginaires, infinis, infiniment petits etc. considérés par des mathématiciens dont la science prétend à la plus grande exactitude ? A ce propos, l’une des constantes de la recherche scientifique est mise en évidence par ce travail : il y a les découvreurs et les bâtisseurs. Les premiers trouvent des choses qui fonctionnent sans chercher de justification alors que les autres expliquent et consolident les découvertes en les inscrivant dans un cadre rigoureux.
On trouve aussi dans ce travail une étude analogue de l’évolution du Calcul Différentiel et de l’Analyse en général avec, en particulier, les notions de limite et de continuité qui sont, sans conteste, parmi les plus difficiles à enseigner. Il est également intéressant de voir, à ce propos, l’évolution de la notion de fonction. Un autre intérêt de ce travail est de mettre en évidence le rôle prépondérant joué par certains mathématiciens (Servois, Ampère, Cauchy, Ampère, Argand, du Bourguet, Poncelet, etc.) ou de mathématiciens-philosophes (Wronski) de l’époque et de montrer en particulier la rupture importante qu’apportera le cours d’analyse de l’école Polytechnique de Cauchy en 1821.
Notes
Données de publication
Éditeur Presses Universitaires du Septentrion Villeneuve d’Asq , 2003 Collection Thèse à la carte Format 24 cm x 16 cm, 670 p. Index Bibliogr. p. 535-566, Annexes p. 569-670
ISBN 2-284-02930-2 EAN 9782284029304
Public visé chercheur, enseignant, formateur
Type thèse Histoire et philosophie des mathématiques, Aix-en-Provence, 2000 Langue français Support papier
Classification