Cette brochure contient le texte d’une conférence donnée lors de la séance du 3 décembre 1990 du « Séminaire de philosophie et mathématiques ».
En passant de « Modèle et fondation en éthique » à « Morale et formation », l’auteur suppose d’abord :
a) qu’il y a une morale traditionnelle qui s’est prêtée à une certaine formalisation, notamment chez Kant, plafond plutôt qu’indépassable « état » de la philosophie pratique. Elle aura tendu en effet à être relayée par une mise en forme de contenus, largement anthropologique, ouvrant un champ éthique distinct du précédent même si morale et éthique, conformément à leur étymologie, répondent à un seul et même problème.
b) A proximité, mais distinctement de bien d’autres auteurs, il pense notamment à P. Ricoeur et P. Valadier qui ont publié des ouvrages touchant à la morale à deux mois de distance, où ils opposent chacun à leur manière morale et éthique. On opposera à la morale moderne liée à une philosophie de la conscience, une éthique inséparable d’une théorisation de la condition humaine tout entière, prise dans ses conflits et ses résolutions. Plus exactement, cette éthique prend en compte les effets d’une structuration ambivalente de notre expérience – comme l’est notre temporalité même dont un versant de désaliénation doit prévaloir pour qu’on ne s’en laisse pas imposer par l’autre.
c/ Quant à la formalisation, elle ne va pas de soi ; elle ne saurait être prise dans la radicalité de son acception logique, où l’on fait abstraction du sens, ce qui est aussi impensable dans une morale kantienne restée tributaire de l’intuition que pour une éthique anthropologique précisément en quête des conditions du sens. Il y a en réalité une « mise en forme », morale ou éthique, dans la mesure exacte où la priorité croissante, de Hegel à Habermas, accordée au discursif aux dépens de l’intuitif réfère impérativement à des conditions structurales du sens.