En quelques décennies, de fabuleuses mutations ont changé en profondeur les sociétés humaines : fin de l’agriculture, naissance du génie génétique et des nouvelles technologies ont bouleversé notre rapport au monde, à la mort, à la vie, à l’espace et au temps. Nul, individu ou société, n’en sort indemne.
Quelques lignes de force du livre, et d’abord un intéressant regard sur les mathématiques.

« Le réel gît dans les mathématiques, ou, du moins, celles-ci seules s’ouvrent à lui. Or qui ne voit que l’algèbre et ses équations, qui amènent aux supercordes, donnent la clé du réel inerte, alors que la combinatoire et ses algorithmes donnent celles de la vie ? Oui, les mathématiques ouvrent la totalité du réel, à condition d’en distinguer deux, la grecque et l’algorithmique, la première propre aux choses, la seconde spécifique aux vivants ; l’une, déclarative, énonce des règles, la seconde, procédurale, propose des codes ; l’une déploie et atteint l’universel, l’autre construit des singularités. »

Une parenthèse ouverte au Néolithique se referme :

« Voilà le plus grand événement du vingtième siècle : la fin de l’agriculture en tant qu ‘elle modelait conduites et cultures, sciences, vie sociale, corps et religions. L’occident vient de changer de monde. »

L’Evolution naturelle laisse place au phénomène culturel d’auto hominisation :

« Par la double maîtrise de l’ADN et de la bombe, nous voilà responsables activement de notre naissance et de notre mort… Restant hommes, mais devenant oeuvres de nous-mêmes, nous ne sommes plus les mêmes hommes. Nous voici devenus cause de nous-mêmes. »

Les nouvelles technologies engendrent « un homme sans facultés » :
« Les nouvelles technologies rendent collectives et objectives les anciennes facultés cognitives, que nous croyions personnelles et subjectives. Un nouvel Homme est né : l’homme sans facultés. »

Il reste à inventer une Ecole qui prenne en compte cette radicale nouveauté…
« Inévitable suite pédagogique de la nouvelle donne cognitive, l’enseignement à distance distribuera plus d’égalité dans une démocratie mondiale encore inexistante. »

Des naïvetés, surtout dans le domaine des nouvelles technologies entachent ce beau livre. L’abolition des distances et de la durée ne vaut que pour les messages, pas pour les marchandises et pour les hommes. Le mythe de l’homme sans lieu, réduit à une adresse électronique, communiquant par l’UMTS avec l’humanité entière frise le cocasse. Malgré ces réserves, le livre impose une réflexion globale salutaire.