Dans l’introduction de l’article, l’auteur précise que son « exposé vise a approcher d’une réponse à la question suivante : à travers le cas de Kant, que représente un mathématicien, et spécialement un géomètre, dans l’imaginaire philosophique ? On n’oubliera pas en effet que Platon était censé avoir fait écrire au fronton de l’Académie : ‘Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre’; que Spinoza prescrivait de mener le travail de pensée ‘more geometrico’; que Husserl (ancien assistant il est vrai d’un authentique mathématicien, Karl Weierstrass) consacre un livre a l’origine de la géométrie. Certes, il faut se méfier des évolutions sémantiques, et dans les deux premiers cas le géomètre désigne plus ou moins tout mathématicien, et non pas seulement le spécialiste de l’espace. Mais précisément, il n’en est plus tout a fait de même avec Kant : le géomètre est un expert, et sa spécificité est réellement, on va le voir, exclusive et exemplaire. De quoi la géométrie est-elle donc le modèle pour le philosophe ? Tel est le fil rouge de cette intervention, qui peut éventuellement nous conduire jusqu’à la question essentielle d’un modèle largement impensé mais extrêmement actif dans le monde culturel occidental de ce qu’est la connaissance, si nous sommes en tout cas physicien ou philosophe. Il restera à savoir si, par un curieux paradoxe, les mathématiciens, qui en auraient transmis le paradigme à leurs voisins, à défaut de l’avoir crée de toutes pièces, n’occuperaient pas désormais un autre lieu, et lequel. Avant d’en arriver à cette question, on va tenter de cerner, dans les termes les plus accessibles possibles, la nature de la connaissance en général pour Kant, celle de la connaissance mathématique, enfin la place tout a fait privilégiée qu’y occupe la géométrie. »