Dans l’introduction de son histoire de la Statistique (The Measurement of Uncertainty before 1900, Harvard University Press, 1986), Stephen M. Stigler fait remarquer que l’application de nouveaux outils à une discipline ne se transmettait pas immédiatement à d’autres disciplines où elle aurait pourtant pu être très utile. Ainsi écrit-il : « By the 1830s, statistical methods were widely used in astronomy, … Yet it is only in the twentieth century that we find these same methods making substantial inroads onto the social sciences » (p. 2). En médecine et en épidémiologie, pour comparer l’efficacité de divers traitements, il parait aujourd’hui évident de s’appuyer sur les outils de la statistique inférentielle. Dans un article de 2006, Edward Huth fait remonter à la publication en 1840 du livre de Jules Gavarret : Principes généraux de Statistique Médicale ou développement des règles qui doivent présider à son emploi, Paris, Bechet jeune et Labé – le premier travail sur l’application des statistiques inférentielles aux données thérapeutiques pour aboutir à des jugements critiques sur la valeur des thérapies. L’article, en partant de l’original du texte de J. Gavarret, examine quels sont les outils qu’il utilise, quelles sont leurs origines, puis pose les problèmes de transmission, entre disciplines – quel lien avec les problèmes liés aux jugements dans les tribunaux – et entre diverses époques dans la même discipline – pourquoi autant de délai entre le texte de J. Gavarret et l’application en médecine de ces techniques.