Toute langue, en se constituant, – il y en a 3000 parlées sur la planète – opère sur le monde extérieur un découpage, correspondant pour ceux qui l’utilisent, a une prise sur le réel, en fonction de multiples données généralement réunies sous le nom de culture ou civilisation. Toute langue crée donc, de ce fait, des lieux d’intelligibilité dans lesquels, a nouveau, elle opère pour constituer et définir des pratiques particularisées, communes ou savantes, et ainsi de suite. En particulier, la langue des ces lieux d’intelligibilité que sont le descriptible et le quantifiable constituant de découpage d’une réalité particulière, il peut être intéressant de se demander sur quelques exemples ce qu’il en est des ‘universaux’ ainsi produits, tant communs que savants, quelles sont leurs relations, et comment ces relations éclairent en particulier pour le quantifiable les spécificités de diverses pratiques des nombres, parfois proches mais tout a fait distinctes. Mais bien souvent l’oubli recouvre la raison d’être d’une désignation, d’une écriture, ou simplement leur existence même. Il peut s’agir soit de notions tombées en désuétude, et on peut se demander s’il est légitime qu’il en soit ainsi, soit d’une surdité dommageable à la possibilité de transmettre du sens. Solliciter la mémoire de la langue des nombres nous amène en particulier a retrouver – mais j’espère à dépasser – la vieille controverse entre concret et abstrait, du découverte et invention, etc., tous ‘couples’ qui masquent la complexité du travail de la pensée aux prises avec la nécessité. L’auteur illustre son propos avec des extraits de textes historiques et des extraits de manuels scolaires.