Jeux et enjeux de langage dans l’élaboration des savoirs en classe. La résolution des contradictions. Apports de la sémantique logique. p. 161-179.

Résumé

Dans ce chapitre, l’auteur se propose d’illustrer sur deux exemples choisis dans deux domaines, a priori très différents, la thèse selon laquelle la prise en compte de la dimension sémantique dans l’analyse des énoncés fait émerger des interprétations possibles qui, examinées sous l’angle pragmatique – en référence au contexte, à la situation d’énonciation et aux connaissances du sujet -, permettent dans certains cas de résoudre des contradictions apparentes. Le premier exemple est tiré d’un roman policier (« Meurtre au Champagne » d’Agatha Christie) ; le second s’appuie sur un corpus présenté dans une brochure de l’IREM de Lyon consacrée à l’initiation au raisonnement déductif.
L’exemple tiré d’un roman policier permet d’illustrer ce qu’il faut entendre par les termes syntaxe, sémantique et pragmatique lorsque ils sont utilisés en référence à la théorie de modèle de Tarski. La contradiction que l’un des personnages doit résoudre mobilise un raisonnement qu’il qualifie lui-même de génial. Le point de départ est une contradiction de type syntaxique qui peut s’exprimer sous la forme « p et non p » ; la prise en compte de la dimension sémantique de la relation d’appartenance (dont la signification dépend des objets auxquels elle s’applique) ouvre la porte à une solution possible. La réalisation artificielle d’un modèle, dans lequel la solution envisagée est pertinente, montre que cette possibilité peut se réaliser. Il s’agit alors de confronter ce modèle à ce qui s’est passé dans la réalité, pour conclure que c’est effectivement ce qui s’est passé dans les circonstances considérées. Ce que l’auteur retient de cet exemple, c’est que pour lever la contradiction apparente, une fois la possibilité de solution attestée par la prise en compte de considérations sémantiques pertinentes dans la situation considérée, il est nécessaire de revenir à la situation elle-même et d’examiner soigneusement les faits. Cette dernière étape relève du niveau pragmatique, dont font partie les connaissances du sujet relativement à cette situation et en outre, ici, ses capacités d’observation. Il est clair que, sans ces éléments, la possibilité d’une solution resterait seulement virtuelle. Le deuxième exemple est une situation analysée dans la brochure de l’IREM de Lyon visant à faire travailler aux élèves les règles du débat mathématiques, et en particulier le tiers exclu. L’auteur s’intéresse plus particulièrement à la réponse d’une élève que l’on pourrait interpréter comme l’affirmation d’un énoncé contradictoire du type « p et non p ». La prise en compte de l’énoncé ouvert avec lequel les élèves travaillent (ils font des essais pour savoir si un entier n vérifie ou non une certaine propriété) permet de proposer une interprétation alternative qui consiste en l’affirmation de « il existe a tel que a vérifie la propriété P, et il existe b tel que b ne vérifie pas la propriété P. », qui ne recèle plus de contradiction. On voit ici comment la prise en compte de l’ambiguïté référentielle liée aux questions de quantification dans la situation étudiée permet de résoudre la contradiction apparente dans les propos de l’élève et par là même de lever le soupçon d’incohérence. Ceci illustre le principe de charité défendu par Quine (1960) qui pose un principe méthodologique selon lequel entre plusieurs possibilités, il faut choisir l’interprétation la plus favorable à l’interlocuteur, celle qui préserve la vérité et le sens de ses propos. Ces analyses montrent une voie pour prendre en compte ce principe méthodologique sans tomber dans un relativisme échevelé. Les contradictions apparentes, telles que « l’affirmation d’une chose et son contraire », doivent être examinées d’abord d’un point de vue sémantique, pour pouvoir envisager des interprétations alternatives, puis d’un point de vue pragmatique pour pouvoir, dans la mesure du possible, choisir une interprétation pertinente. Ceci nécessite que, dans la classe de mathématiques, l’attention se déplace des énoncés vers les objets et plaide pour ne pas exacerber la différence entre logique de sens commun et logique à l’œuvre dans la classe de mathématiques. Le dogme selon lequel, dans la classe de mathématiques, on doit choisir en toutes circonstances entre le vrai et le faux et que ne pas le faire trahit un manque de logique, doit être par conséquent sérieusement reconsidéré. Pour autant, les exemples proposés montrent qu’il ne s’agit pas d’un renoncement à la logique. Bien au contraire, la sémantique logique offre un cadre pour enrichir les analyses didactiques dans la perspective d’une meilleure prise en compte de la rationalité des élèves.

Notes

Jeux et enjeux de langage dans l’élaboration des savoirs en classe.

Données de publication

Éditeur Presses Universitaires de Lyon (PUL) Lyon , 2006 Collection IUFM Format 15,5 cm x 24 cm, p. 161-179

ISBN 2-7297-0785-9

Public visé chercheur, enseignant, formateur Niveau école élémentaire Âge 10, 11, 6, 7, 8, 9

Type chapitre d’un ouvrage Langue français Support papier

Classification