Théorème vivant.
English Title : The living theorem. (ZDM/Mathdi)
Auteurs : Villani Cédric ; Gondard Claude. Illust.
Résumé
Cet ouvrage peut être vu comme le journal de bord d’un mathématicien. Il nous fait partager son emploi du temps, ses voyages, ses résultats, ses doutes des deux années qui ont précédé sa médaille Fields. Si les échanges de courriel, ne prennent sens que pour les spécialistes de la discipline, le lecteur, même non scientifique, sera sensibilisé à la vie que peut mener un chercheur en mathématiques et à l’histoire des mathématiques. En effet de nombreux passages sont consacrés aux mathématiciens qui ont précédé Cédric Villani sur l’équation de Boltzmann. Dans sa préface, il précise « Le récit suit la genèse d’une avancée mathématique, depuis le moment où l’on décide de se lancer dans l’aventure, jusqu’à celui où l’article annonçant le nouveau résultat -le nouveau théorème- est accepté pour publication dans une revue internationale. Entre ces deux instants, la quête des chercheurs, loin de suivre une trajectoire rectiligne, s’inscrit dans un long chemin tout en rebonds et en méandres, comme il arrive souvent dans la vie. » Abstract This is an extraordinary book, incomparable to all you’ve ever read and will ever read in the future. It is the story of a theorem and its proof by Villani and Clément Mouhot, from their first discussion about it in spring 2008 until the autumn of 2010 when their result was accepted for publication in {it Acta Mathematica} (see [{it C. Mouhot} and {it C. Villani}, « On Landau damping », Acta Math. 207, No. 1, 29-201 (2011; Zbl 1239.82017); correction ibid. 207, No. 2, 391 (2011; Zbl 1241.82072)]). And this is what the author says why he wrote this book: « On me demande souvent à quoi ressemble la vie d’un chercheur, d’un mathématicien, de quoi est fait notre quotidien, comment s’écrit notre œuvre. C’est à cette question que le présent ouvrage tente de répondre. » (p. 7) Indeed does the author not only describe his everyday life as a researching mathematician delineating how he develops his ideas and the way he discusses them with other mathematicians, but he also gives a very personal account of how he manages his family life and what kind of dreams and emotions he has outside mathematics. For example, he presents parts of fancy stories he invented for his children, gives reproductions of poems that are important to him and presents a 4-pages list of his favourite music pieces, ranging from Bach’s Brandenburg concertos to the chansons of Catherine Ribeiro. Clearly, Villani is by no means a typical researching mathematician. Even a non-initiated reader will frequently recognize this, e.g. when Villani mentions his dream of being awarded with the Fields Medal (which actually came true in 2010), when he talks about his half-year research residence at the Princeton Institute for Advanced Study (IAS) in 2009 or his appointment as the director of the famous Institut Henri Poincaré at Paris. Nevertheless, much of his description of the way he works as a researcher may well be typical for the majority of modern researching mathematicians. E.g. he gives reproductions of many e-mails he exchanged with Mouhot on their ongoing joint research, peppered with technical terms and {TeX} code of formulas. There are also reproductions of excerpts of his papers in order to display (I suppose) what formula-focused mathematical texts look like. Villani not even tries to explain the formulas or their {TeX} code. Rather, this way he merely demonstrates how mathematics is expressed technically, and that you will not understand anything of that unless you learn this complicated « foreign language » in detail. But, on the other hand, he does actually try to explain in more general terms at least the ideas behind the stuff he is dealing with. This is mainly done in some sort of « asides » (each of them two to four pages long) interspersing the otherwise chronological narrative in the form of a diary. These asides are written in a way accessible to the general reader, always taking up a particular keyword or theme from the main text and giving an account of related mathematical problems and results as well as the mathematicians who contributed to their development. This way readers actually get some insight into the world of mathematics and not merely into the very personal thoughts and emotions of a particular mathematician. Examples of such asides range from the Boltzmann equation and the Landau damping via Donald Knuth and his development of {TeX} and the machine-supported proof of the four-colour theorem to Grigori Perelman and his work on the Ricci flow. So all in all the book delivers what was promised in the preface. It does this in a very original way by staying faithful to the subject it deals with, at the risk of leaving the reader more or less at a loss. Nevertheless, I think it was worth a try to write a book on mathematics and mathematicians in this way. Whether the author was actually successful with his attempt, every reader has to judge by her- or himself. For mathematicians this is definitely an interesting or at least entertaining reading. As a kind of postscript that may shed some additional light on the style of the book, I would like to cite a statement Villani makes in connection with his encounter with John Nash at the IAS. First, he tells the sad story of this great mathematician and then writes: « Maintenant, à 80 ans passés, il est aussi normal que vous et moi. » (p. 178) (ZDM/Mathdi)
Au début de l’ouvrage, la situation est la suivante : physiciens et mathématiciens, et en particulier l’auteur, ont étudié l’équation aux dérivées partielles écrite en 1870 par Ludwig Boltzman pour modéliser l’évolution d’un gaz raréfié fait de milliards de particules. Introduisant l’entropie, Boltzman a démontré qu’elle ne pouvait que croître avec le temps.
Cédric Villani connaît mieux que personne aujourd’hui le monde mathématique engendré par cette équation, carrefour de la physique statistique, de la mécanique des fluides, des probabilités, de la théorie de l’information.
Il a lui-même, sept ans plus tôt, initié à cet univers mystérieux Clément Mouhot devenu depuis un chercheur autonome, brillant et enthousiaste. Mais c’est une autre équation due au physicien russe Vlasov qui détermine les propriétés statistiques des plasmas pour lesquels l’entropie est constante. Lev Landau, prix Nobel 1962, en travaillant sur cette équation a énoncé un principe d’ « amortissement Landau » après un calcul mathématique complexe ; (en fait, il a utilisé un modèle simplifié linéarisé) et certains spécialistes de théorie mathématique des gaz pensent que cet amortissement est une chimère, sortie de l’imagination fertile des physiciens, sans espoir de formulation mathématique. Le probabiliste Mark Katz affirmait non sans humour il y a une soixantaine d’années : « dans un mémoire de physique, il y a deux équations exactes, la première et la dernière, le rôle du mathématicien, c’est de reconstituer tous les intermédiaires ».
Cédric Villani décide donc de s’attaquer au problème et il convainc rapidement Clément Mouhot de travailler avec lui.
Le livre raconte avec beaucoup de franchise et de spontanéité cette longue ascension à deux semée d’embûches, de retours en arrière, de découragements : la difficulté ne consiste pas dans la démonstration des lemmes successifs, à la portée d’un étudiant de maîtrise, mais dans leur énoncé même : choix des paramètres, des normes, des majorations qui conduiront à un contrôle du comportement asymptotique quand le temps tend vers l’infini. Ces choix apparaissent soudain à la suite d’une rencontre ou d’une analogie mais conduisent parfois à une impasse comme dans une escalade.
L’ouvrage détaille cette histoire mouvementée sous forme d’une chronique de 45 chapitres précisément datés du 23 mars 2008 au 24 février 2011.
Chaque chapitre décrit le cadre et le lieu du jour : le bureau de l’ENS de Lyon, l’institut légendaire d’Oberwolfach dans la Forêt-Noire, un stage de musique pour les enfants dans les Hautes Alpes, la résidence étudiante internationale Shugaku à Kyoto, auto-stop à Lyon, le 25 décembre dans un village de la Drôme, six mois à l’Institute for Advanced Study (IAS) de Princeton, le séminaire de physique statistique de l’université Rutgers, le congrès International de Physique mathématique de Prague, une éprouvante tournée américaine, des exposés à l’université du Michigan à Ann Arbor, un colloque à Palm Beach, Saint-Rémy-lès-Chevreuse, le grand bureau de l’IHP, les obsèques de Paul Malliavin à Saint-Louis-en-l’Île, le congrès International des Mathématiciens à Hyderabad, chez Gabor à Budapest.
Tout au long du livre, sont croqués en quelques traits précis, mathématiciens et physiciens, soit du présent à l’occasion d’une fructueuse rencontre, soit du passé qui ont su les premiers poser des problèmes encore ouverts aujourd’hui : Robert Glassey et Eric Carlen, spécialistes américains de théorie des gaz ; Freddy Bouchet, mathématicien et physicien spécialiste des galaxies et de la mystérieuse faculté qu’ont les étoiles à s’organiser en configurations stables ; Étienne Ghys, qui a fait du laboratoire de maths de l’ENS Lyon l’un des meilleurs centres de géométrie du monde ; Isaac Newton et sa loi de gravitation universelle, mais aussi la surprenante efficacité de sa méthode de résolution approchée d’une équation ; Andreï Kolmogorov, fondateur de la théorie moderne des probabilités qui a élaboré avec Vladimir Arnold et Jürgen Moser la théorie K.A.M. et son application à la stabilité du système solaire ; Joseph Fourier et l’application de son analyse aux sons, aux images, aux marées, . ; Donald Knuth, inventeur en 1989 du logiciel TEX puis de ses versions successives indexées par les approximations décimales de ; Faà di Bruno et sa formule donnant les dérivées successives d’une fonction composée ; les Bamberger, mécènes fondateurs en 1931 de l’IAS de Princeton qui accueille, sans obligations de cours, les meilleurs spécialistes en mathématiques et physique théorique (Einstein, Gödel, Weyl, Von Neumann, et actuellement Jean Bourgain, Enrico Bombieri, Freeman Dyson, Edward Witten, Vladimir Voevodsky et bien d’autres) ; Alexandre Grothendieck, légende vivante qui révolutionna la mathématique ; Kurt Gödel, le plus grand logicien de tous les temps ; John Nash, qui en dix années et trois théorèmes révolutionna l’analyse et la géométrie ; Michael Kiessling, un grand lutin aux yeux brillants ; l’équation d’Euler, la doyenne des équations aux dérivées partielles dont en 250 ans on n’a pas percé tous les mystères, et dont Vladimir Scheffer a montré l’existence de solutions paradoxales, travaux poursuivis et améliorés par Alexander Shnirelman, De Lellis et Székelyhidi ; Paul Cohen, l’un des esprits les plus créatifs du vingtième siècle ; Joël Lebowitz, le pape de la physique statistique ; Alice Chang, spécialiste de l’analyse géométrique ; Elliott Lieb pour qui rien ne vaut une bonne inégalité pour comprendre un problème ; Gösta Mittag-Leffler, qui crée en 1882 Acta mathematica et publie l’article que lui propose Henri Poincaré alors qu’il comporte une erreur ; celui-ci réussit à transformer son erreur en acte fondateur ; Carlo Cercignani qui a consacré sa vie à Boltzmann, à ses théories et à leurs applications ; Paul Malliavin inventeur du calcul qui porte son nom, personnage complexe et fascinant, à la fois conservateur et iconoclaste ; Gregori Perelman qui a démontré la grande conjecture de géométrisation de Thurston et la conjecture de Poincaré ; Michelle Schatzman, toujours prête à se lancer dans des défis pédagogiques insurmontables ; Gabor, l’inventeur du Gömbö, forme pleine et homogène qui n’a qu’un équilibre stable et un équilibre instable.
L’auteur consacre une dizaine de pages à la musique, compagne indispensable des moments de recherche solitaire : musique classique mais surtout chansons et poèmes contemporains répétés en boucle et écoutés sans fin.
Dans un souci de clarté, la typographie distingue les références historiques en italique et les courriers électroniques presque quotidiens échangés avec Clément Mouhot reproduits tels quels de sorte que la lecture des formules et des lettres non accentuées en est parfois désagréable. Par contre les pages de mathématiques en TEX sont limpides tant par leur forme que par le fond ; le lecteur non spécialiste se contentera de les admirer tandis que le mathématicien pourra les lire et les analyser ligne à ligne comme on remplit un sudoku.
Notes
Cet ouvrage est l’objet d’une recension sous la rubrique « matériaux pour une documentation » du Bulletin de l’APMEP n° 502, d’une note de lecture dans la revue Tangente n° 148 ainsi que d’une note de lecture dans la revue Repères-IREM n° 91.
Données de publication
Éditeur Grasset Paris , 2012 Format 16 cm x 23 cm, 282 p.
ISBN 2-246-79882-5 EAN 9782246798828
Public visé élève ou étudiant, enseignant, tout public Niveau 1re, 2de, licence, lycée, terminale Âge 15, 16, 17, 18, 19
Type ouvrage (au sens classique de l’édition), vulgarisation, popularisation Langue français Support papier
Classification
Mots-clés