paradoxe de Saint-Pétersbourg

martingale de Borel
martingale de Saint-Pétersbourg
paradoxe des martingales
paradoxe de Borel

PROBABILITES

Le paradoxe de Saint-Pétersbourg concerne les jeux de hasard à espérance de gain strictement positive, voire infinie, où l’on peut réaliser un gain minime avec une probabilité très voisine de 1, à condition de miser une forte somme. Paradoxalement, une personne raisonnable préfère ne pas jouer. Ce comportement d’apparence irrationnelle s’appelle l’aversion au risque. Il a été formalisé par la notion de fonction d’utilité et a donné naissance à la théorie de la décision.
Les joueurs rêvent de pouvoir organiser leurs mises de telle sorte que leur gain soit assuré : ils sont à la recherche d’une martingale . Dans un jeu équitable, cela est-il possible ? Le paradoxe de Saint-Pétersbourg semble répondre par l’affirmative, contrairement à l’intuition.
Prenons l’exemple du « pile ou face », avec l’organisation de l’enjeu suivante : Les joueurs A et B engagent chacun m €. Le gagnant emporte les 2m €. L’espérance de gain pour l’un ou l’autre est donc nulle.
Supposons maintenant que A est un individu à la recherche d’une martingale et B une banque disposant d’un capital non limité, dans l’obligation professionnelle de jouer les parties que A décide de jouer. A peut alors décider de la stratégie suivante : à la première partie, il mise 1 €. S’il gagne, il emporte les 2 € en réalisant un gain de 1 €. S’il perd, il rejoue en misant 2 €. S’il gagne à la deuxième partie, il emporte les 4 € et réalise un gain de 4-1-2= 1 €. S’il perd, il rejoue en misant le double de sa mise précédente, soit 4 € et ainsi de suite.
Le paradoxe : si A perd pendant N-1 parties consécutives et gagne à la N-ième, A emporte 2N €, alors qu’il a engagé un total de 1+2+4+…+(2N-1)= 2N-1 €. A a donc réalisé un gain de 1 €. Ainsi, quelle que soit le déroulement de la partie, A est sûr de gagner 1 €, à condition que le jeu s’arrête au bout d’un nombre fini de parties, ce qui est un événement de probabilité 1.
Levons ce paradoxe.
Si théoriquement le jeu peut durer indéfiniment, (les fortunes de A et B étant alors supposées infinies), le gain de A est de 1 € avec probabilité 1, son espérance de gain est donc de 1 €.
Mais le jeu doit naturellement s’arrêter au bout d’un temps fini. Supposons que A ne puisse jouer qu’un maximum de N parties. La probabilité que A perde 2N-1 € après la N-ième partie est égale à (1/2)N. La probabilité que A gagne 1 € avant ou à l’issue de la N-ième partie est égale à 1/2+1/4+…+(1/2)N=1-(1/2)N. Son espérance de gain est donc 1 ? (1-1/2N)-(2N-1) ? (1/2)N=0.
A, assez riche pour miser jusqu’à 2N – 1 €, peut penser qu’il a quand même de grandes chances de gagner 1 €. Supposons par exemple que A dispose de 1 000 €. Il a donc la contrainte 2N-1 = 1000, il peut alors jouer jusqu’à N=log2(999), soit un maximum de 9 parties. La probabilité qu’il réalise un gain de 1 € est alors 1-(1/29=0,998, mais il a 2 chances sur 1 000 de perdre 512 €. Le risque est faible mais la perte possible trop grande par rapport au gain réalisable pour rendre ce jeu attractif. D’où une question pratique, psychologique ou morale incontournable : quel intérêt aurait un joueur fortuné disposant d’au moins 512 € de passer un certain temps pour gagner 1 €, d’autres moyens s’avérant beaucoup plus efficaces ?
Remarquons que si A est plus riche que B, il est dans une position dominante : soit il gagne 1 €, soit il met B en faillite. Cela explique en partie pourquoi les casinos mettent un maximum aux enjeux autorisés.
Ce paradoxe de Saint-Pétersbourg avait été soulevé par Pierre Raymond de Montmort auprès de Nicolas Bernoulli en 1713. Son cousin, Daniel Bernoulli , l’avait discuté dans les Transactions de l’Académie de Saint-Pétersbourg, d’où son appellation, et à introduire une notion d’ « espérance morale » en probabilités (Théorie sur la mesure du risque, v. 1738), reprise par Buffon , D’Alembert et Condorcet . Laplace explicite cette notion dans le 10e principe de son Essai philosophique sur les probabilités (1812), puis en tire certaines indications sur la moralité des jeux de hasard, tenant compte de la fortune d’un joueur et des risques qu’il peut accepter de prendre en fonction de sa position sociale.

Alors qu’elle constitue un bon outil de prévision, l’espérance mathématique échoue a bien décrire le comportement des joueurs face à une loterie. Émile Borel considère que la probabilité d’une situation est un simple élément parmi d’autres de calcul de son utilité, notion développée en économie, qui n’a pas de raison particulière d’intervenir de façon linéaire et ne le fait pas en général. Cette approche a mis fin à une idée reçue selon laquelle jouer à la loterie était toujours mathématiquement une erreur, idée fondée sur une confusion entre les notions d’utilité et d’espérance mathématique. Le joueur au Loto montre qu’il préfère jouer avec une chance sur 10 millions de gagner 5 millions d’euros plutôt que de garder l’euro que lui coûte le billet. Borel explique que ce joueur peut avoir raison contrairement aux apparences : la perte d’un euro ne changera guère sa vie ; le gain de cinq millions d’euros a beau être improbable, il transformera celle-ci de façon qualitative et non simplement quantitative.