L’histoire de la gestation de la géométrie, c’est-à-dire de sa vie embryonnaire depuis les débuts de la préhistoire humaine jusqu’à sa naissance proprement dite en Grèce antique, n’a jamais été abordée dans son ensemble.
L’auteur s’est spécialisé dans la recherche sur l’émergence de concepts mathématiques chez les hommes préhistoriques. Dès l’homo erectus (-1,5 millions d’années) l’idée de symétrie est évidente dans les bifaces ; plus tard le débitage systématique implique une représentation mentale de la forme recherchée avant la fabrication. Plus près de nous, l’homo sapiens révèle par son art pariétal qu’il a accédé à une certaine abstraction : notions de ligne, de point, de rectangle, de translation… Enfin les chasseurs-cueilleurs contemporains (aborigènes australiens) renseignent sur leur logique graphique, vraisemblablement proche de celle de nos lointains ancêtres.
Dans cet ouvrage, consacré au Paléolithique et au monde des chasseurs-cueilleurs, l’auteur propose un voyage en compagnie des tailleurs d’outils de pierre qui ont imposé durant plus de deux millions d’années une régularité préconçue à une matière brute, en structurant progressivement leur espace de travail suivant ses trois dimensions. Il essaye également de comprendre comment, il y a vingt ou trente mille ans, le mode de pensée des chasseurs-cueilleurs sapiens a produit, par le biais de mythes et de rituels à base de graphisme symbolique, la surface de représentation, les figures de la géométrie en dimension deux et leurs éléments.
L’auteur en montre la nécessité, justifie les chemins empruntés, explique le choix des sources et discute leurs interprétations possibles. Il souhaite se démarquer nettement du relativisme qui « gangrène et stérilise les sciences humaines actuelles » : le chapitre I est consacré à ces questions. Le lecteur pressé d’entrer dans le vif du sujet peut commencer directement au chapitre II voire au chapitre III. Comme d’autre part les germes de géométrie décelables dans l’activité humaine préhistorique sont incompréhensibles sans leur contexte, l’auteur se mêle à plusieurs reprises de questions générales et parfois même de questions controversées, comme par exemple de la spécificité de l’action humaine (chapitre II), de la pensée primitive (chapitre VIII), ou du parallèle entre les peuples traditionnels actuels et nos ancêtres de la préhistoire (chapitre I entre autres) : contextualisation indispensable sans laquelle ce livre ne serait qu’une ennuyeuse collection de « curiosités » sans lien entre elles.