Eléments d’une biographie de l’espace projectif.
Auteur : Bioesmat-Martagon Lise. Ed.
Résumé
Composé d’une introduction et de six textes de cinq auteurs différents, ce livre retrace la lente maturation de la géométrie projective, depuis la perspective de Desargues (XVIIe siècle) jusqu’aux axiomatisations du XXe siècle. Il est très agréablement présenté, avec de larges marges où on trouve de nombreuses figures soignées, très souvent reproductions d’originaux du XIXe siècle. Chacun des textes est suivi d’une abondante bibliographie, et du texte des citations dans leur langue originelle. Abstract Consisted of an introduction and six texts from five different authors, this book relates the slow maturation of the projective geometry, from Desargues’ perspective (XVIIth century) to the XXth axiomatisations. It is very nicely presented, with large margins containing numerous neat illustrations, very often reproductions from originals from the XIXth century. Each text is followed by a rich bibliography, and the quotations texts in their original language.
L’introduction de Lise Bioesmat-Martagon résume les étapes de l’émergence, à partir de l’ensemble d’outils « géométrie projective », de l’objet « espace projectif ».
Dans On appellera espace projectif…, Philippe Lombard nous fait partager « le rêve de Desargues », « le rêve de Leibniz », « le rêve de Hilbert », à savoir, respectivement : codifier et théoriser les règles de la perspective ; parvenir à la compréhension des « éléments à l’infini » à travers la mise au point de formalismes calculatoires ; axiomatiser et formaliser la géométrie projective. Il conclut que celle-ci présente de multiples facettes : analytique, synthétique, topologique… ; qu’images et calculs y sont complémentaires plutôt que concurrents.
L’impulsion originelle de Poncelet dans l’invention de la géométrie projective, par Jean-Pierre Friedelmeyer, raconte et analyse de façon détaillée comment Poncelet, dans son « Traité des propriétés projectives des figures » (1822), deux siècles après Desargues et bien que ne connaissant ses résultats que de façon indirecte (le Brouillon project ne devait être retrouvé qu’en 1864), prolonge son œuvre de façon magistrale : identification des propriétés projectives, explicitation des objets (points ou droites) de l’infini, réorganisation logique… Outre des éléments biographiques (captivité de Poncelet en Russie), on trouve ici, à travers de nombreuses citations, figures et commentaires, l’essentiel des résultats et des démarches de Poncelet. Celui-ci dispute à Gergonne la paternité du concept de dualité ; il crée la notion et le mot d’homologie. Son théorème de clôture conduira ultérieurement à des développements inattendus et profonds, en relation avec la théorie des courbes elliptiques.
Sous le titre « Deux droites coplanaires sont sécantes », Philippe Nabonnand repart de Poncelet et évoque les apports de nombreux mathématiciens à la théorie : Steiner, Von Staudt, Pasch, Veblen, Young. Il met en relief l’importance centrale des points et droites de l’infini, qui garderont longtemps le statut d’éléments impropres ; celle des faisceaux et gerbes ; la marche vers l’axiomatisation et la généralisation (géométrie associée à un corps de nombres général).
Dans « Are there points at infinity ? – a debate among German teachers around 1870 », Klaus Volkert relate (en anglais) le débat entre partisans et adversaires de l’introduction de la géométrie projective dans les programmes de gymnasium (équivalent allemand de nos lycées), ainsi que des querelles de vocabulaire concomitantes : « point à l’infini » ou « point inaccessible » ? Débat passionné au point que l’un des participants y introduit Dieu ! Cette introduction n’a jamais eu lieu.
Le développement historique du concept d’espace projectif, par Jean-Daniel Voelke, a pour ligne conductrice la double introduction possible, à l’heure actuelle, des espaces projectifs : définition axiomatisée, ou définition analytique (ensemble des (n+1)-uples de coordonnées homogènes sur un corps, ou encore ensemble des droites vectorielles d’un espace vectoriel). L’auteur nous raconte l’opposition, au cours des âges, de ces conceptions : pour Poncelet, il ne s’agit que d’ajouter des points et des droites à l’espace ordinaire, et non de construire une espace nouveau, mais il cherchait à éviter tout calcul analytique ; son approche synthétique se prolonge à travers Steiner, Von Staudt, Pasch… L’espace projectif analytique est, lui, né de l’invention des coordonnées homogènes par Möbius, et a été développé par Plücker, Hesse, Cayley… L’axiomatisation proprement dite est surtout le fait d’italiens : Segre, Amodeo, Fano, Pieri … Au XXe siècle, Whitehead, Veblen, Young parviennent à un achèvement de la théorie, et à l’installation dans le public de l’espace projectif analytique comme de l’espace projectif axiomatique.
Klaus Volkert revient nous présenter « Projective plane and projective space from a topological point of view ». Il s’agit de la recherche de modèles topologiques du plan projectif. Le plan projectif est une surface fermée non-orientable ; d’où la difficulté du problème de son plongement dans l’espace ordinaire ; on n’y parvient qu’au prix de coupures et d’auto-intersections, par divers modèles : demi-sphère de Klein, « Normalforms » et « Cross-caps » de Dyck et Dehn-Heegard, « Decahedron » de Möbius, « Heptaedron » de Reinhardt ; le clou revenant à la Surface de Boy, dont une très belle représentation par un internaute anonyme conclut l’ouvrage.
Lise Biosmat-Martagon summarises the steps that, from the set of « projective geometry » tools, led to the emergence of the object « projective space ».
In « we call projective space » Philippe Lombard shares with us « Desargues’dream », « Leibniz’ dream », « Hilbert’ dream », that is to say, respectively : codifying and theorising the rules of perspective ; get to the understanding the « infinitely far away elements » through the finalising of calculation formalisms ; axiomatise and formalise projective geometry.
He concludes that projective geometry has multiple facets: analytic, synthetic, topologic, … ; that images and calculations are complementary rather than competitors.
The original Poncelet’s impulse in the invention of projective geometry, written by Jean-Pierre Friedelmeyer, explains and analyses in details how Poncelet, in his « Treaty of projective properties of figures » (1822), two centuries after Desargues, even though he only knew his results in an indirect way (the « project draft » was only found in 1864), goes on with his work in a masterful way : identification of the projective properties, explicitation of the objects (points or lines) at infinity, logic reorganisation. Besides some biographical elements (Poncelet’s captivity in Russia), we can find here, through many quotations, figures and comments, the main part of Poncemet’s results and approaches.
Poncelet competes with Gergonne la paternity of the duality concept; he creates the notion and the word homology. His closure theorem will lately lead to unexpected and deep developments, related to the theory of elliptic curves.
Under the title « Two coplanar lines are sequent », Philippe Nabonnand begins with Poncelet and mentions the contributions to the theory of numerous mathematicians ; Steiner, Von Staudt, Pasch, Veblen, Young. He underlines the central importance of points and lines at infinity, which will have the status of improper elements for a long time; The importance of bundles and sheaves ; the way to axiomatisation and generalisation (geometry linked to a general field of numbers).
In « Are there points at infinity? – a debate among German teachers around 1870 », Klaus Volkert relates (in English), the debate between supporters and opponents of the introduction of the projective geometry in The gymnasium syllabuses (German equivalents of the French lycées), as well as the vocabulary quarrels that came with it : « point at infinity » or « inaccessible points » ? Such a passionate debate that one of the persons taking part in it introduced God in it! This introduction in the syllabuses neper happened. The historical development of the concept of projective space, by Jean-Daniel Voelke, has, as a conductive line, the two possible introduction of the projective spaces today: axiomatised or analytical definition (set of the (n + 1)-uples having homogeneous coordinates on a field, or set of vector lines in a vector space).
The author writes about the opposition, through times, of these conceptions : according to Poncelet, it is not about adding points and lines to the ordinary space, nor to build a new space, but he tried to skip any analytical calculation ; His synthetic approach goes on through Steiner, Von staudt, Pasch.. The analytical projective space came from the invention of the homogeneous coordinatesby Möbius, and was developed by Plücker, Hesse, Cayley. The axiomatisation in itself came mostly from Italians: Segre, Amedeo, Fano, Pier… During the XXth century, Whitehead, Veblen, Young come to acompletion of the theory and to the public installation of the analytical projective space and the axiomatic projective space.
Notes
Cet ouvrage est l’objet d’une recension sous la rubrique « matériaux pour une documentation » du Bulletin de l’APMEP n° 495.
Voir sur le portail des IREM la page consacrée au Brouillon Project de Girard Desargues publié en 1639 : http://www.univ-irem.fr/desargues
Données de publication
Éditeur Presses universitaires de Nancy Nancy , 2011 Collection Histoires de géométries Format 20 cm x 26 cm, 316 p. Index Bibliogr. p. 276-281, Sources p. 310-312, Notes bibliogr.
ISBN 2-8143-0032-6 EAN 9782814300323
Public visé élève ou étudiant, enseignant, tout public Niveau licence, master Âge 20, 21, 22
Type ouvrage (au sens classique de l’édition) Langue anglais, français, multilingue Support papier
Classification
Mots-clés